Instants d’un futur qui traverse le pont du présent

XI – L’aire où l’enfance grandira

Dans les vergers de Skardu
Les fruits et la lumière
N’en finissaient pas de mûrir.
Le silence des pénombres
Assoupi sur mes lèvres
Avait ton sourire.
Les lunes brisées par l’absence
Se recomposaient en un visage de tendresse
Sur les branches du désir.
Ses yeux avaient ton regard
Mon amour.
Avec le soir
Je rentrais
Paisible
Dans les clos aux blés mûrs
Les espoirs du jour
Avant que la solitude ne se répande
Dans les plis épais de la nuit
Où tout se perd
Même l’immense.
Je ne t’avais pas encore trouvé
Mais quelle émotion
De savoir que je ne t’avais pas perdu
Que ma course serait toujours bonheur et folie
Sur la route des enfants
Où la soif d’amour n’a pas honte de mendier
D’être espace infini.
Entre les mains des hauteurs
Soumises
Prosternées
L’Indus
Paré de ses ponts
Suspendus à l’innocence
Chantait à tue-tête
Tes chansons
Tes silences
Heureux de se reposer
Dans la caresse sans fin
De cette étendue de lointains et de sable
Où se baignent les ombres des falaises
Le chant de l’invisible
Les himalayas du songe
La joie secrète des cours en attente
Sur la rive des possibles.
Tout était mouvance de clartés et de brumes
Transparence nocturne
Rencontre d’odeurs de sauges et groseilles sauvages
Poussière de blés
Moissonnés
Battus
Devant les pics-verts et les huppes
Sur cette aire retrouvée
Où l’enfance grandira
Malgré les rimes imposées
Les certitudes à la dérive
Et elle apprendra à dire les mots oubliés
Ceux que l’on cherche
Que l’on voudrait entendre dire
Par tous les instants du temps qui passe
Si vite
Par le vent
Les nuages
La douceur du champ de ceux qui aiment.
Très tard
Dans la nuit
J’ai entendu l’amour refleurir les histoires fanées
Remplir la désolation des pas inutiles
Avec la voix du vent qui venait me chercher.
Il a mis ton nom sur mes lèvres
Ton appel dans mes yeux.
Il a pris ma main
Déjà pleine de caresses
Et nous sommes partis
Loin
Au pied du glacier de l’Ultar
Aux villages bleus
Qui fleuraient déjà le matin
Le chant des coqs
La mémoire du départ.

Août – Septembre 1995